Léo, amoureux de la montagne
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Notre ami Léo vient de nous quitter. Il était friand de randonnées sur la journée. Il aimait les départs au petit matin pour s’élancer à l’assaut de la montagne avec un groupe de passionnés comme lui.
En hommage à Léo je vous fais part du récit d’une cyclo montagnarde à Saint-Gaudens (31) à laquelle nous avons participé en 1990. Comme il était heureux !
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La randonnée "Comminges Val d'Aran - Vallée d'Aure" organisée les 4 et 5 août 1990 par les RANDONNEURS SAINT-GAUDINOIS fut, pour Léo et moi-même un Brevet Cyclomontagnard Français inoubliable.
Les sympathiques organisateurs nous proposent le col de Menté (1349m), le col du Portillon (1293m), le col de Peyresourde (1569m), l'Hourquette d'Ancizans (1538m) et l'Aspin (1489m), soit 220km pour 4000m de dénivellation.
Avec Léo nous optons pour la catégorie randonneurs avec départ le dimanche 5 août à 03h00.
L'été est déjà bien entamé et la canicule qui dure depuis plusieurs jours incite plus à la baignade qu'à la randonné cycliste. Nous sommes quand même décidés à défier les rayons du soleil.
Nous appréhendons bien sûr cette journée car nos amis cyclistes de la "Lapébie" nous ont conté leur aventure qui fut pour certains bien dure.
Le dimanche 5 août à 01h00 nous quittons Cahors à bord de mon véhicule. Le sommeil, tant la chaleur est lourde, ne nous a pas atteints. C'est tout excités par cette sortie que nous rejoignons Saint-Gaudens (31).
Trois heures sonnent. Nous décrochons nos vélos et nous effectuons les derniers préparatifs et les dernières vérifications. Déjà un groupe de cyclistes joyeux et enthousiastes passe devant nous. Avec Léo nous nous pressons un peu et nous gagnons le départ. Carte de route, tampon et hop! Nous enfourchons nos montures. Avec quelques retardataires nus effectuons les premiers kilomètres dans la nuit. Nos éclairages fonctionnent parfaitement et sont bien lumineux.
Rouler la nuit est très agréable et excitant aussi. Les difficultés sont aplanies, les sensations sont différentes et l'on se sent même plus léger. L'impression première de cette nuit-là est la chaleur (et oui déjà!) qui nous enveloppe. A la première bosse nous transpirons.
Les vingt-cinq premiers kilomètres, en légère montée, accomplis allègrement, sont rythmés par le bruit de nos pédalages dont le ronronnement est amplifié dans le silence de la nuit.
Mais les affaires sérieuses commencent. Nous apercevons au loin une nuée de feux rouges qui scintillent. Notre pédalée devient un peu plus vive et notre cœur commence à battre un peu plus fort. Petit à petit nous nous rapprochons de ces points lumineux. Notre ardeur est vite interrompue, le Menté (1349m) se présente déjà à nous.
Changement de vitesses, bruit de dérailleurs, chaînes sui craquent, quelques noms d'oiseaux entendus près de nous, et nous voilà dans la montée. J'adopte le 32x23 car la journée est longue. Je suis bien dans les premiers lacets, Léo est près de moi. D'innombrables cyclistes nous entourent. Nous occupons toute la chaussée. Quel régal de se sentir ainsi, au milieu de gens qui sont aussi fous que nous. Mais quelle joie de partager cette folie. Quel spectacle de voir, au fur et à mesure de la montée, au détour d'un lacet, ce long chapelet lumineux qui se tortille au gré de la route.
Dans la chaleur de la nuit nous pensons que cela aurait pu être pire de jour.
Notre esprit n'a pas le temps de vagabonder que déjà nous atteignons le sommet peu avant 6h00. C'est à la lueur des lampes alimentées par un groupe électrogène, que nous sommes accueillis pour le premier ravitaillement (biscuits, pâtes de fruits, fruits, …. boissons chaudes). Je retrouve Léo au milieu de la foule et, après ce bref intermède, nous repartons, non sans nous être couverts pour la descente.
Le jour se lève quand nous atteignons Saint-Béat. Nous franchissons la frontière espagnole au Pont du Roi et, dans la vallée qui nous conduit à Bossost, au pied du Portillon, nous roulons calmement. Dans ce village nous faisons une autre halte où nus nous restaurons plus copieusement, sous l'œil goguenard de la Guardia civile.
Léo prend un peu d'avance pendant que je recomplète mes bidons.
Le Portillon (1293m) est avalé sans trop de mal, le soleil n'est pas encore assez haut pour nous faire souffrir. A peine le sommet atteint, nous dévalons à vive allure l'autre versant.
Nous traversons depuis peu Luchon, bien connu pour son thermalisme et sa fête des fleurs, que se présente déjà à nous le Peyresourde (1569m) et ses 15km de montée. La prudence étant toujours de règle, nous adoptons nos petits développements. La forêt nous accompagne dans les premiers kilomètres. Petit à petit nous arrivons vers les pâturages, nous traversons des villages aux toits d'ardoise qui, sous le soleil éclatant, nous paraissent bien paisibles. Dans les vallées au loin, nous entendons, ici et là, un tintement de cloche, bien agréable à nos oreilles. Toute cette beauté qui défile sous nos yeux, nous incite à courber un peu plus l'échine. Allez Léo, le sommet est proche ! Nous ne pouvons pas décevoir cette montagne qui est si accueillante.
A 10h00 nous mettons pied à terre en haut et nous nous précipitons vers une buvette, déjà assaillie par de nombreux cyclos. Nous étanchons notre soif et nous nous élançons vers le point repas. La vallée du Louron est magnifique et la descente n'est qu'émerveillement.
La petite école de Bordère-Louron nous accueille et c'est dans un cadre champêtre que nous apprécions notre ravitaillement. Nous essayons de profiter de cet instant agréable pour refaire le plein d'énergie.
Le thermomètre grimpe de plus en plus. Nous devons repartir de plus belle car l'Hourquette d'Ancizans (1538m) nous attend et c'est, paraît-il, pas mal ! Cependant ce nouveau départ n'est pas sans surprise et la route qui nous conduit au pied de ce col est pentue après Bordères, n'est-ce pas Léo ?
Les premiers kilomètres de celui-ci, sous le coup de midi, furent pour certains difficiles et nombre de cyclistes avaient abandonné leur monture pour s'accorder une petite sieste dans l'herbe. Mais avec Léo nous avons bravé cette difficulté, notamment la chaleur que réfléchissaient les rochers. La vue exceptionnelle au sommet, sur le Pic du Midi, nous rendait au quintuple la souffrance que nous venions de subir.
La descente sur Payolle que nous abordons prudemment, est assez dangereuse à cause des saignées pratiquées dans la chaussée. Sous les sapins que nous traversons, des familles entières nous regardent passer tout en appréciant la fraîcheur relative de ces arbres et la présence de l'eau du ruisseau.
Payolle, haut lieu du ski de fond nous attend. Contrôle, ravitaillement, un peu de repos et nous franchissons la dernière difficulté, fort agréable en soi, le col d'Aspin (1489m). Quelques vaches paissent au milieu des touristes qui nous regardent filer vers le dernier sommet.
Arreau est atteint à vive allure. Un vent assez violent nous pousse dans une partie de la vallée ; mais les derniers kilomètres de plat nous paraissent longs, trop longs.
Nous atteignons enfin notre point de départ, satisfait d'avoir accompli, non un exploit, mais d'avoir rempli une grande journée émaillée de souvenirs. C'est donc, fatigués mais heureux, que nous rejoignons notre belle cité, laissant dernière nous une montagne attrayante, aux difficultés certaines mais non invincibles.
Daniel Arnaudet