J'étais au Paris-Brest-Paris 2007

Publié le par CTCahors

Paris-Brest-Paris 2007 - Récit de Daniel Arnaudet

L’année 2007 est pour moi une des plus intense. En effet j’ai décidé de participer au 16ème Paris-Brest-Paris randonneur organisé du 20 au 24 août 2007. Avec l’expérience de cinq diagonales de France, je pense pouvoir être en mesure de réaliser cette épreuve. Mais avant d’obtenir le droit d’y être convié il faut avoir quelques sésames. Ainsi il faut obtenir les brevets de 200, 300, 400 et 600 km. C’est auprès des clubs de Muret et Caussade que j’ai accompli ces randonnées non sans quelques efforts.
Pour compléter la préparation j’ai réalisé une diagonale, Brest-Strasbourg (1060 km), où j’ai pu reconnaître une partie du parcours du PBP. J’ai également participé à la semaine fédérale de Périgueux pour affiner ma condition.
Enfin prêt, vélo équipé pour rouler de nuit, je regagne la capitale, ou plutôt le gymnase des Droits de l’Homme à Guyancourt (78) où la veille s’effectue le contrôle des machines. Malheureusement en raison de la pluie, cette formalité est reportée au moment du départ, au pointage des cartes magnétiques.
Une activité intense règne déjà à l’intérieur et à l’extérieur. Chacun récupère son dossier, son maillot, son bidon, son tee-shirt. Le vélo est à l’honneur ; et cela se voit. Les artères sont sécurisées. Il va pourtant falloir attendre plus de 24h00 avant de s’élancer. Que le temps me semble long. Je patiente en me reposant avant le grand départ. 

De PARIS à CARHAIX – 528 km

Le jour J, c’est à vélo, depuis l’hôtel, que je rejoins le départ. En ce lundi 20 août 2007 il est 19h30 et déjà une marée humaine de cyclistes se presse autour du stade. Je ne PBP-2007-Départsuis pas dans le premier groupe de départ, tant pis. Je suis calme et comme tout le monde je m’inquiète du temps. Pour l’instant il ne pleut pas. Dans ce gros peloton qui piaffe d’impatience se côtoient plusieurs nationalités. Je ne ressens pas de stress particulier. L’ambiance est à la fête et chaque départ est précédé d’un grand « boum » provenant d’une fusée. A 21h50 lorsque nous nous élançons entre une haie de spectateurs et sous les bravos et applaudissements, là quelque chose se passe. Je serre les dents et je fonce. Toutefois les ardeurs sont un peu réfrénées car la pluie nous rattrape dans les rues que nous empruntons. Alors prudence et attention à la chute.

Un long ruban lumineux avance maintenant à bonne allure dans la nuit. Déjà quelques crevaisons, des lampes mal arrimées se trouvent au sol et c’est dangereux pour les autres. Le relief n’est pas trop accidenté et jusqu’à Longny-au-Perche tout va bien. Nous bifurquons soudainement à droite et là, surprise, je mets tout à gauche car se dresse devant moi une pente très accentuée. C’est ainsi pendant 20 km une succession de côtes jusqu’à Mortagne-au-Perche au kilomètre 142. Je ne m’affole pas, j’adapte mon allure. Il y a énormément de monde au point de ravitaillement. Il est 03h35 et je ne m’attarde pas trop, une boisson, un sandwich et me voilà reparti.
La pluie réapparaît à la sortie de la ville et jusqu’après Mamers, soit sur plus de 25 km. D’ici Villaines la Juhel j’arrive à me sécher un peu. A ce contrôle au kilomètre 223, l’accueil est chaleureux, de nombreuses personnes vous encouragent et il y a une ambiance de fête. Après le pointage je poursuis aussitôt car il y a trop de monde au self pour le petit déjeuner. Je m’arrête finalement dans un bistrot quelques kilomètres après.
Les routes de la Mayenne ne sont pas plates et je commence à le sentir dans les jambes. Dans les villages que nous traversons, mais aussi au bord de la route, ce sont encouragements et bravos. On se rend bien compte que cet événement suscite un engouement qui donne chaud au cœur et incite à appuyer plus fort sur les pédales. Je remarque souvent les mêmes personnes à l’aller comme au retour et parfois très tard dans la nuit.

J’arrive à Fougères avec la pluie, au kilomètre 312. Il est 12h40. Après un passage au contrôle et une restauration, je continue. Jusqu’à présent mon avance est d’environ 2h00 sur mes prévisions. C’est bon pour le moral. Je me suis fixé d’atteindre Carhaix pour dormir mais d’ici là il me reste encore un peu plus de 200 km.
Je roule parfois dans des groupes pour me protéger du vent contraire, mais je roule aussi seul. Il m’arrive de vouloir entamer une conversation avec un de mes compagnons de route mais elle s’arrête vite car il est fréquent que je rencontre un étranger et mon anglais hélas ! est trop restrictif. Dommage, car j’aurais aimer en savoir un peu plus sur leurs origines et leurs motivations.
Le contrôle de Tinténiac au kilomètre 366, vers 16h20, est assez bref. La pluie a cessé et mon allure a légèrement faibli. Quelques montées et descentes plus loin, à Loudéac (km 452) une ovation nous accueille. C’est réconfortant. Il y a beaucoup de monde, même en ville.
Après avoir passé ma carte magnétique et consommé j’enfourche le vélo. Je suis un peu fatigué et j’ai des irritations aux fesses. Je sais pourtant que dès à présent se profile la partie la plus difficile du parcours sur près de 35 km. Je me souviens aussi que c’est là sur les premières pentes après Loudéac que j’ai abandonné en 2003. Pour effacer ce mauvais souvenir je rassemble toute mon énergie. Je me concentre sur la route. Je n’attache aucune importance aux cyclos qui me dépassent. J’adapte les développements au relief. Surtout il ne faut pas forcer. Je les gravis ces côtes. Il y a en une de corsée. D’ailleurs au retour je l’ai descendue à plus de 60 km/h. Je sais qu’à partir de Corlay et jusqu’à Carhaix c’est plus plat mais le vent est contraire. D’ailleurs en parlant de Corlay, des personnes nous font signent de nous arrêter pour un contrôle secret. Après cette formalité il me reste 40 km pour dormir. Cela fait près de 30 heures que je roule sans repos. Le sommeil me gagne parfois. Pour lutter je fouille dans la sacoche pour en tirer soit un sandwich, soit une part de gâteau.
J’atteins enfin Carhaix (km 528) à 02h15. Je passe au contrôle et je vais me restaurer. Je trouve des cyclos allongés dans les couloirs, terrassés par le sommeil et insensibles aux bruits environnants. Pour ma part j’ai choisi de rejoindre la halle des sports où je peux enfin m’allonger sur un lit de camp. Le lieu est apaisant et feutré. Malgré les ronflements de quelques-uns je m’endors pour deux heures. Je respecte ma prévision de repos soit 04h00. Je prends le petit déjeuner et dans la fraîcheur matinale je poursuis sur Brest.

De CARHAIX à TINTENIAC – 335 km

Nous rencontrons des cyclos qui font le chemin inverse. Les premiers d’ailleurs, je les ai trouvés après Loudéac. Ce sont des fusées. Le gros de la troupe est à venir. Avant d’atteindre Huelgoat, je me trouve dans un petit groupe. L’allure est bonne. Les jambes vont bien et le moral aussi. J’ai hâte d’atteindre Brest.
Cela monte jusqu’au Roc Trévézel. Soudain mon téléphone portable sonne. Je m’arrête, dommage pour le groupe que je laisse filer. C’est Jean-Claude Millot qui prend de mes nouvelles et qui me dit être au sommet du Roc Trévezel. Je continue, le temps est brumeux, frais et le Roc est venté. Personne ne s’attarde. Cela descend jusqu’à Sizun. Soudain , en traversant cette ville j’entends : « Daniel ! ». Je me retourne et j’aperçois Jean-Claude. Je m’arrête, je le salue, il m’encourage et je l’en remercie.
PBP-2007-Sur le parcours
La route jusqu’à Brest est vallonnée et plus j’approche plus le temps s’éclaircit. C’est incroyable mais soudain un ciel bleu se dégage. Au détour d’un virage, oh ! suprême récompense, j’aperçois la rade et la ville. C’est pour moi une première victoire. En empruntant le pont Albert Louppe je suis heureux. Je ne sens pas mes douleurs de fessier. Je profite de cette traversée et je respire à pleins poumons l’air venant du large. Voilà comment j’aime la Bretagne. Le point de contrôle atteint au kilomètre 617, à 10h20 après une longue montée, je fais valider mon carnet de route et je vais manger. J’en profite pour téléphoner à Joseph qui suit pas à pas la progression des cyclos de Cahors. Je ne sais pas encore le travail qu’il a accompli pour animer ce PBP sur le site du club. Merci Joseph pour ton enthousiasme.
Après avoir tourné le dos à la mer, le vent est plus favorable. Il y a beaucoup de cyclistes sur la route, aussi bien dans la même direction qu’en sens inverse. Le retour vers Paris est amorcé. Comment va-t-il se passer ? Pour l’instant les jambes ne sont pas trop mal. Pour le reste j’effectue des arrêts « pommade » et ce sera ainsi jusqu’à l’arrivée.

A Carhaix (km 701), nombreux public malgré le temps humide qui a succédé au soleil de Brest. Il est 16h00 et je veux atteindre Tinténiac pour dormir. Après Corlay nous changeons de direction, plus au sud. Le vent nous pousse et l’arrivée sur Loudéac est plus agréable. Toujours le même enthousiasme dans cette ville. Je suis au kilomètre 777 et il est déjà 20h10. J’y rencontre Fabienne Mangin qui me dit avoir abandonné à Carhaix pour des problèmes de dos. Roland a poursuivi seul et elle l’attend. Je sens de la tristesse en elle. Il n’est pas agréable de quitter ainsi le PBP, surtout après les efforts fournis pour y participer.

Après une petite collation je repars, toujours poussé par le vent. L’allure est bonne notamment sur les parties plates. Les groupes se forment et éclatent. Les uns s’arrêtent, soit pour une pause « pipi », soit pour une toute autre raison. Alors que nous progressons bien, à l’entrée d’Illifaut nous sommes détournés pour un nouveau contrôle secret. Beaucoup de spectateurs à ce point. Admiratifs, interrogateurs, ils nous encouragent et nous souhaitent bonne continuation. Le carnet de route bien rangé et à l’abri, heureusement, nous ne tardons pas à recevoir du ciel toute l’eau qu’il peut déverser. Il reste 40 km avant Tinténiac, mon point d’arrêt. Il fait nuit et pourtant je roule à bonne allure et cela me surprend. Au loin les lueurs du phare qui clignote au sommet de l’antenne de Bécherel nous guident et me rapproche de Tinténiac (km 863). C’est sous une pluie battante à 0h56 que j’arrive au point d’accueil. Tout dégoulinant je tends carnet de route et carte magnétique aux préposés au contrôle. Je tire de mes sacoches des vêtements de rechange et je vais me doucher. C’est la première depuis le départ et ce sera la dernière jusqu’à l’arrivée. Elle est la bienvenue. Je me change et je me sens plus au sec. Les pieds par contre, nouveau souci. Ils sont tout blancs et fripés tellement ils ont trempé dans les chaussures mouillées. Je vais me coucher en prenant soin de bien envelopper les pieds dans la couverture pour les sécher et les réchauffer. Malheureusement mon sommeil est perturbé par les bruits de couloir PBP-2007-Dormirdans ce lycée. Ce n’est pas comme à Carhaix. A peine 2h00 de repos. Je me lève fatigué. Mes chaussures sont toujours très humides, comme le « Goretex ».  Mes socquettes bien que propres sont vite mouillées et mes pieds n’ont pas retrouvé leur état normal. Je passe quand même au point restauration. L’appétit ne m’a pas abandonné et c’est une bonne chose. C’est dans cette salle que je trouve l’ambiance du PBP.

Nombre de cyclos sont allongés à même le sol, certains se sont enveloppés d’une couverture de survie, d’autres assis dorment appuyés sur la table, le bras plié sous la tête. Lorsque je regarde certains visages, les traits tirés, le regard plus ou moins hagard, je me dis que je ne dois pas être beau à voir, surtout avec la barbe. Et dire que je me rase tous les jours.

De TINTENIAC à MORTAGNE-AU-PERCHE – 225 km

Le départ est laborieux. Il ne pleut plus mais il y a beaucoup d’humidité. Pour rejoindre Fougères au km 918, sur un parcours pourtant pas trop difficile, il me semble que j’ai mis une éternité.

Enfin, à 07h35 je pointe. Je profite de cet arrêt pour déjeuner et reprendre quelques forces car, après, le bocage mayennais n’est pas facile à négocier. Je traverse Gorron, Ambrières-les-Vallées, Lassay-les-Châteaux à petite allure. Les gens au bord de la route sont toujours là à nous encourager. J’arrive à gérer les difficultés et à conserver une avance sur mon horaire. Elle a pourtant un peu fondue.
Quand j’arrive à Villaines-la-Juhel (km 1007) vers 13h35 je suis satisfait et je commence à y croire un peu plus. L’accueil est très animé. La foule est là et c’est encourageant. Je pointe et je prends un plateau bien garni. J’aperçois un banc et je m’y allonge 20 mn. Je dors réellement et cela m’a requinqué. Je repars un peu plus frais. Le vent est assez favorable.

Jusqu’à Mortagne-au-Perche (km 1088) cela va à peu près. Il est presque 19h15. J’écourte l’arrêt de 04h00 que j’ai prévu et après une heure je repars car la partie jusqu’à Longny-au-Perche et même jusqu’à Marchainville est corsée. Bien m’en a pris pour conserver l’avance.

De MORTAGNE-AU-PERCHE à PARIS – 152 km

L’arrivée sur Dreux (km 1164) est longue et ennuyeuse malgré le vent dans le dos. Comme j’ai quelques signes de sommeil je décide de me restaurer et de me reposer un peu. Il est 0h40 mais je n’arrive pas à fermer les yeux. Dommage.
Je sens l’arrivée proche mais les quelques 70 km qui me restent à parcourir sont une motivation utile pour terminer ce parcours. Il faut cependant rester vigilant et dans la nuit il n’est pas toujours facile de repérer les flèches. Ce qui paraît évident en étant bien lucide peut être une galère avec la fatigue. Ainsi dans la traversée de Broué je prends une autre direction. Cette erreur de navigation me coûte quelques kilomètres en plus. Je reviens sur mes pas et je vois la flèche, pourtant bien visible, qui m’indique la bonne orientation. J’appuie sur les pédales quand, soudain, dans les phares, j’aperçois une masse brillante, à droite sur le bas-côté. Je suis seul et je me demande ce que cela peut être. Ce n’est autre que deux cyclos allongés dans l’herbe humide et enveloppés dans leur couverture de survie qui ont sombré dans un profond sommeil. On se repose comme on peut.
L’arrivée sur Guyancourt paraît longue et interminable notamment dans la traversée très sombre des bois entre Gambais et Montfort-l’Amaury. Quelques cyclos me dépassent. Les villages sont déserts. Il n’y a pas de circulation automobile à cette heure matinale, idéal pour finir sans encombre.
J’atteins le rond-point des Saules à 06h30 et sous les ovations de quelques spectateurs-accompagnateurs, je franchis la ligne. Je me dirige vers la table de pointage. On me garde le carnet de route, il me sera transmis par courrier, et on me donne un ticket pour une boisson. Voilà c’est fini !!
Je suis fatigué mais heureux d’avoir réalisé enfin un PBP en entier. Joseph qui suit ma progression m’appelle et me félicite. Bravo à lui aussi pour son travail et son dévouement. Je vais ensuite dormir deux heures dans le dortoir du gymnase prévu à cet effet et où nombre de cyclistes ont pris place.
Ce Paris-Brest-Paris restera gravé dans mes souvenirs. Le temps exécrable aura fortement marqué cette édition. Mais il ne fera pas oublier l’entrain des bénévoles qui ont œuvré à sa réussite, ni l’accueil de la population dans les villages et villes traversées, sans oublier les gens égrenés tout au long du parcours, notamment dans la Sarthe, la Mayenne, l’Ile et Vilaine, les Côtes d’Armor et le Finistère.
Je n’oublierai pas non plus ces incroyables machines, vélos couchés, carénés , tricycles, tridems … qui ont accompli cet exploit.
Et puis il y a le soutien des membres du club et de mon épouse qui s’est enthousiasmée des commentaires de Joseph. 

Il y a une nouvelle édition en 2011. Alors pourquoi pas !

Récit de Daniel Arnaudet du CTC-Cahors

Publié dans Longue distance

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